Lettre au méconnu.
On
s'ennuie de tout, mon Amour. Si je dis que de l'inatteignable naît le
désir, je ne le pense qu'à moitié. Tu n'as pas voulu que je t'attrappe,
tu as joué le volage, et je t'ai couru après pendant un mortel temps,
maintenant je m'ennuie de toi, je m'ennuie de ton air de garçon aux
trop nombreuses occupations, de ton air présomptueux, de ton air
d'enfant gâté. Je ne veux plus de toi, ne me regarde plus, mon dégoût
n'a d'égal que ta bêtise. Tu pensais sincèrement que j'allais
t'attendre ? Pour qui me prends-tu ? As-tu essayé une seule fois de me
connaître réellement ou t'es-tu vainement contenté de l'image fade de
la fille qui t'adulait ? Rôle que j'ai bien voulu assumer pour tes
beaux yeux (de quelle couleur étaient-ils déjà ?), mais un temps
seulement. Maintenant c'est fini, ne me regarde plus avec cet air qui
me séduisait tant, il m'apparaît vide et je te trouve si creux que ça
me donne le vertige. Mon Ange, j'ai passé du temps à vouloir
t'aimer et tu me refusais cet amour. Tu reviens un beau jour et tu te
dis prêt à tout laisser pour moi, est-ce que tu t'imagines que je vais
te laisser revenir ? Eh bien, tu te trompes. Ah oui tes cheveux étaient
beaux, ton sourire charmant, et ton rire me rendait folle, c'est sûr.
Mais tu t'en fichais et aujourd'hui c'est moi qui me fiche de tes
gémissements et de tes plaintes. On s'ennuie de tout, mon Amour, je
m'ennuie de toi. Si je ne t'aime plus, ce n'est pas de ma
faute, c'est toi qui l'as voulu. Adieu mon amour, je t'ai aimé sans
plaisir et je t'oublie sans joie.